Les pompes à fantasme
Chaussures. Objets de désir et de plaisir, elles rendent certain(e)s accros.
Catherine Mallaval
QUOTIDIEN : lundi 18 février 2008 retrieved from Libe
«Du sexe en boîte. Voilà ce que c’était. Du sexe en boîte… troublant, excitant, décadent. Lorna Rafferty écarta le papier de soie, et aussitôt l’odeur entêtante du cuir envahit ses narines, envoyant un frémissement familier au plus profond de son être.» Alors, la dénommée Lorna effleura les coutures serrées ; fit courir ses doigts sur la surface lisse ; les laissa glisser sur la cambrure comme un chat s’étire au soleil… L’extase. Tout ça, tout ça, juste avec une pauvre paire des tatanes ? Oui.
Et que celles (et ceux) qui, chichement, se contentent d’être bien dans leurs pompes se ravisent. La chaussure, certes utile quand il s’agit de promener les vingt-six os et dix-neuf muscles de son pied, est aussi un écrin à exciter le cerveau et la foultitude de terminaisons nerveuses qui tapissent la plante du pied. Un objet de désir et de plaisir que l’on peut convoiter avec frénésie.
Des preuves ? La démonstration par l’émoustillant roman Shoe Addicts de l’Américaine Beth Harbison (au demeurant collectionneuse d’espadrilles et de tongs), qui, après un carton aux Etats-Unis, raboule sa couverture rose en France (1), avec ses héroïnes qui risqueraient leur vie et leurs comptes en banque pour des talons hauts. La preuve encore avec toutes ces internautes qui exhibent leur passion et leurs collections (cela va jusqu’à la centaine de paires) avec une impudeur à faire rougir, sans parler des milliers de membres de Facebook qui se sont autoproclamés shoe addicts. Vérification encore avec tous ces hommes qui se damneraient pour des Berluti (Ah ! Roland Dumas), ou le souvenir de la déraisonnable collection d’Imelda Marcos, désormais exposée dans un musée à Manille. On enfonce le clou enfin avec le psychiatre William Rossi, auteur d’Erotisme du pied et de la chaussure, qui ricane sur le côté prétendument utilitaire des chaussures (certains peuples vont avec des pieds nus qui développent une sorte de protection, rappelle-t-il) pour se concentrer sur le message à caractère sexuel transmis par une chaussure «piédestal du plaisir» (ou à l’inverse d’un désintérêt pour la chair, quand de ses chaussures on se tape).
Sérieusement, la pompe à fantasmes bat son plein chez certains (lire nos témoignages). Même si la réalité est plus prosaïque. Selon une enquête TNS Sofres conduite en janvier, la Française moyenne possède quelque 9 paires de chaussures (contre 6 pour les hommes) là où une Américaine en possède une trentaine. Petites pointures, va…
(1) Ed. Fleuve noir, 19 euros
25 paires en deux ans»
RECUEILLI PAR C.Ma.
QUOTIDIEN : lundi 18 février 2008
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Marie-Sophie, 36 ans, pointure 37
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«En rythme de croisière, j’en achète deux paires par mois. Je vais jusqu’à 250, 300 euros. Ce qui est déjà énorme vu ce que je gagne. C’est l’objet de ma garde-robe dans lequel j’investis le plus. Celui dont j’ai le plus de mal à me séparer. J’ai depuis six, sept ans une paire de bottines Chanel. Je ne les ai jamais mises. Je pourrais les vendre plus que ce que je les ai achetées. Impossible. Régulièrement, je les admire sous toutes les coutures. Je les touche. Elles sentent bon. J’ai aussi une paire de bottes blanches un peu majorettes. Ma paire fétiche. Au fond, les chaussures, plates ou avec des talons, sont le plus bel accessoire de séduction. Plus que la lingerie. J’aime attirer le regard là. J’aime aussi mes pieds. Surtout l’été, quand on me dit qu’ils sont beaux, petits, et que je les mets en valeur dans des sandales avec des lanières qui entourent la cheville : ultraféminin.»
Zoé, 28 ans, pointure 38
«J’ai fait le compte : j’ai acheté 25 paires de chaussures en deux ans. Une passion, depuis que je gagne ma vie. Je claque. Surtout, chez Repetto. En trois ans, j’ai bien dû y dépenser 3 000 euros dans des ballerines plates ou hautes. J’aime leur côté chaussures de poupées, un peu Barbie. Sensuelles. Pour séduire, je mets celles qui sont roses à paillettes avec des talons de 7 centimètres qui affinent le mollet. Car oui, c’est un objet de séduction. Les chaussures que portent les hommes sont importantes aussi. Par exemple, je n’aime pas les hommes qui portent des chaussures à bouts pointus, ça me fait peur. Sérieusement, je fais un 38. Peut-être que je serais moins mordue si je faisais un 41. Là, t’as pas honte de demander ta taille. Et puis si ça te va pas, c’est pas ta faute. Pas comme un jean dans lequel tes fesses ne rentrent pas !»
Edouard, 35 ans, pointure 41,5
«J’aime collectionner. Et j’ai eu un épisode chaussures dont je me suis guéri en passant aux montres. J’en achetais une quinzaine par an. J’aime les cuirs. Marrons seulement, chocolat précisément. Des cuirs lisses mais fleuris. Le problème avec les chaussures, c’est que l’on monte très vite en gamme. On se met à rêver de sur-mesure. Pendant une période, je passais trois heures à essayer la paire que j’avais repérée. Dans deux tailles en dessous, deux tailles au-dessus. Avec des chaussettes de différentes épaisseurs. Je voulais qu’elles soient parfaitement à ma taille. Après je passais des heures à me demander si j’avais bien pris la bonne pointure, avec la peur de m’être trompé. Souvent, elles étaient trop petites. Ça devenait impossible. Limite psy.»
Sylvain, 34 ans, pointure 41
«Les chaussures sont le point central de ma garde-robe. Je vais jusqu’à 500 euros. Je choisis à l’œil. Après une période Weston, que je trouve finalement trop grosses, je suis devenu Prada. J’aime leur ligne fine, leur galbe, leur cuir brillant. J’ai mon rituel. Quand j’avise une paire, je repasse deux ou trois fois avant de me décider. S’ensuit une période de latence. Je ne les mets jamais tout de suite. Quand enfin, je les porte, je les fais ressemeler au bout de trois, quatre mois, et là je m’en empare vraiment.
Je les range avec des embauchoirs, je les cire super souvent, et pas avec un produit de daube, je les astique avec un torchon, je crache, je fais briller. Elles sont rangées, bien alignées. Bref, j’en prends soin. Des vilaines chaussures, chez un homme, peuvent très vite devenir un objet de répulsion.»
lundi 18 février 2008
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