Les grandes marques rêvent de financer des émissions télévisées
LE MONDE | 26.04.08
Fin mai, une nouvelle émission sera diffusée le samedi soir sur BFM TV. Son titre : "Partageons nos idées". Invités et internautes interviendront en direct et débattront d'un thème de société. Une première pour la chaîne d'information en continu qui teste un format magazine, inédit pour elle. Et aussi, une approche renouvelée du financement de programme. La chaîne du groupe NextRadio l'a en effet conçu main dans la main avec l'agence publicitaire Ogilvy et son client Cisco. Le nom de l'équipementier Internet n'apparaîtra qu'au générique de l'émission, mais Cisco est bien plus qu'un simple parrain : c'est lui qui est l'instigateur du programme et qui le finance.
Cette relation plus qu'étroite entre une marque et une émission venant brouiller les repères traditionnels entre publicité et programme n'est pas un cas isolé. Sur Radio Nova, une chronique spéciale sur Londres a débuté jeudi 24 avril. Diffusée deux fois par semaine à 18 h 30, elle livre les bons plans dénichés par son animateur britannique. Un projet financé par Eurostar, soucieux d'inciter les Français à multiplier les voyages vers la capitale britannique. C'est l'agence de conseil en médias Mediaedge qui a élaboré ce partenariat entre la compagnie de train et la radio.
Un autre exemple lie une marque et un producteur de programmes : Pepsi et la société Endemol qui a bâti sa notoriété en vendant des programmes de télé-réalité. Cette dernière s'est lancée cette fois dans la production d'une émission de 26 minutes racontant les coulisses du tournage du spot publicitaire de Pepsi sous la houlette de l'agence CLM-BBDO. Quelques grands noms du foot ont été réunis - David Beckham, Ronaldinho ou Thierry Henry - tous sous contrat avec Pepsi et aussi des jeunes sélectionnés suite à un concours organisé sur Internet. Les internautes devaient imaginer comment mettre en scène les joueurs et la marque. Le programme, conçu avec Endemol, sera diffusé cette année par des chaînes de télévision dans six pays européens. Le football inspire aussi Havas Media, qui prépare un show avec Franck Ribéry pour Direct 8 et RMC.
UN LIEN AVEC LE CONSOMMATEUR
Les liens entre programmes et marques ne sont pas nouveaux. Ils ont même contribué au succès des "soap opera", ces feuilletons américains, nommés ainsi en référence aux lessiviers ou fabricants de savon ("soap") qui sponsorisaient à l'origine ces émissions diffusées l'après-midi. En France, le parrainage d'émission a officiellement fait son apparition sur TF1 en 1987 avec la dissociation de la météo du journal télévisé. Puis les marques se sont vues autorisées à parrainer des programmes courts. L'un des pionniers n'est autre que Leroy-Merlin qui a mis à l'antenne, en 1997, "Du côté de chez vous". A priori, selon la réglementation, l'annonceur doit se contenter d'apparaître au début et à la fin du programme sans interférer dans son contenu. Dans les faits, il inspire le contenu pour qu'il soit en adéquation avec la communication de la marque. Mais ces programmes n'excèdent pas une ou deux minutes.
Aujourd'hui, les annonceurs veulent aller plus loin. "Les marques, avec l'explosion des réseaux et la délinéarisation des contenus, veulent sortir du format unique. Nous devons dire aux annonceurs où aller et avec quel contenu pour rencontrer leurs cibles", explique Natalie Rastoin, directrice générale d'Ogilvy France, qui ajoute : "Internet a créé un changement absolu de comportement dans la tête des consommateurs, une nouvelle façon de consommer les médias." Ce bouleversement oblige les agences publicitaires et les marques à imaginer de nouveaux scénarios de communication pour renouer le lien avec le consommateur. En développant des contenus, voire des programmes, elles veulent asseoir leur crédibilité.
En France, les marques explorent ce nouveau rôle de coproducteur sur les nouveaux médias. Sur Internet, et aussi sur les chaînes de la TNT ou sur le mobile, là où les réglementations sont moins contraignantes. Sur les grandes chaînes hertziennes, l'exercice est a priori interdit. Mais demain ? " Si France Télévisions perd une partie de ses ressources publicitaires, elle va se retrouver dans une nouvelle économie pour financer ses programmes", souligne Valérie Accary, présidente de BBDO-Paris.
La réduction du coût de la grille de programmes est un des arguments mis en avant pour convaincre les chaînes. Mais les marques ne veulent pas être réduites au simple rôle de "porte-monnaie". Elles exigent que le contenu soit en résonance avec leur discours publicitaire. La transposition en France de la nouvelle directive européenne sur les médias, qui autorise le placement de produits dans les programmes, pourrait être l'occasion d'assouplir les règles.
Aux Etats-Unis, où les contraintes sont moindres, les expérimentations se multiplient. Jeu de télé-réalité produit par la société Unilever pour promouvoir sa marque de déodorants Axe sur la chaîne MTV, mini-série de fiction "The Starter Wife", cofinancée pour USA Network par la marque de cosmétique Pond's qui souhaitait promouvoir auprès des femmes ses produits anti-âge... Où commence le programme et où finit la pub ?
Laurence Girard
Article paru dans l'édition du 27.04.08.
vendredi 2 mai 2008
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